Nous soufflons, nous souffrons, un pas l’un après l’autre dans la braise.
Nous progressons lentement, le corps finit par répéter les gestes mécaniquement, les uns après les autres, un pied avant l’autre, caillou après caillou, comme pris dans l’engrenage d’une machine. La montagne est exigeante et magnifique, en Biros.
Nous sommes 4 marcheurs et nous essayons d’avancer au rythme les uns des autres.
Nous luttons contre la montagne, avec cette chaleur. À chaque petite avancée, je me demande d’où peuvent bien venir tous ces sons qui résonnent dans ma tête lorsque je marche vers Bentaillou. En fait, il n’y a pas de bruit et nos pas sont feutrés, dans les herbes.
Nous apercevons les baraquements au loin.
Ça me fait penser à cet exercice de théâtre qui m’avait beaucoup impressionnée par l’engagement qu’il demande, que nous avait fait faire Chris. Le corps est un outil, le corps est un geste, le geste est puisé quelque part en toi et tu modules un son d’outil, ou plutôt, tu libères un son de tes tripes et ça en groupe. Tu n’es plus qu’un morceau de machine humaine. Qui gémit, souffle, siffle, grince, chuinte, en rythme. Au bout d’un moment il y a comme une harmonie, un mariage entre tous nos gestes et tous nos bruits, et la machine s’emballe, et la machine se tait.
Allégorie des mines de montagne.
Il fait si chaud et je dois lutter contre moi-même. Il y a quelques années, pour un boulot, j’avais travaillé sur les mines couserannaises. J’ai écouté les témoignages mille fois pour les transcrire, les traduire, je voulais depuis longtemps venir voir, histoire de leur donner vie.
Eth Ventalhon qu’èra un vilatge, aquerò. Que i avia un monde terrible.
Que i avia pròishi de 100 a 120 personas que trebalhavan airà-amont.
E que s’i estavan ?
Òc-ben ! Non baishavan cap, sonque, d’a uns còps, ath cap d’un mes ! E que partian entà tornar pujar se i èra era nhèu. Partian eth maitin e qu’arribavan eth ser airà-amont.
Que i èran eths deth país e, après, que i èran eths autes. Que i avia plan d’Espanhòus, de Polonesi e tot aquerò. Mès, aqueri, que trebalhavan ath front, completament ath hons dera mina.
Òc ath debut que trabalhavan dam era barre à mine e era massa hé.
Quelques patous nous rappellent que nous ne sommes pas trop chez nous non plus. Les brebis prennent le frais devant les galeries cadenassées.
Que trobèren era mina deth Ventalhon alavetz qu’anèren ath Ventalhon.
Que i som estada pr’amor que i hadíam estivar eras oelhas, sabeu. Toti eths d’Eilia qu’avíam era montanha deth Ventalhon alavetz que i anàvam amassar eras oelhas, tot aquerò.
Les mines sont fermées, les brebis sont là, la boucle est bouclée.
Michel dit, Bon, je le dis encore, je l’ai déjà dit, je sais, et d’ailleurs, c’est la dernière fois que je le répète, mais je suis très heureux d’être là.
Je suis très émue d’être enfin là.