Au début, il y en a toujours un pour entonner un peu fort les premiers mots. Ça rigole, ça s’hydrate au vin ou à je ne sais quelle fabrication maison juste un poil alcoolisée très souvent délicieuse au demeurant, ça papote dans tous les coins. L’instant d’après, ceux qui chantent peuvent vous couper au milieu d’une discussion passionnante et juste vous sourire, la chanson les appelle c’est plus fort qu’eux.
Les voix s’accordent et tous ces timbres finissent par ne former plus qu’un choeur – je dirais que c’est à ce moment que la chanson a vraiment commencé.
Vous le savez parce que vous êtes vous aussi en train de sourire en chantant des paroles indécentes ou tout à fait romantiques, et que vous êtes donc dans le cercle qui s’est élargi petit à petit.
Ces voix qui chantent ensemble c’est comme une parenthèse dans le temps.
Le regard change quand on chante. En fermant les yeux, je suis comme ivre au milieu de toutes ces voix – rien à voir avec l’hydratation dont je parle plus tôt. En les rouvrant, c’est comme si on ne voyait plus qu’avec le cœur, qu’on n’entendait plus qu’avec les tripes et que le temps de la chanson, le monde était plus léger – ça dépend aussi de la chanson ça, mais même une complainte de berger triste à faire pleurer des cailloux rend le moment plus beau quand on la chante avec ses amis.
C’est toute une culture qu’on chante. C’est les montagnes, des histoires abracadabrantes d’un autre temps, la liberté, la joie d’être ou les malheurs des autres.
Qu’è tota ua cultura que vivèm amassa.
La chanson se termine, il y a ce tout petit moment de silence, comme si tout le monde était encore un peu ivre de cet instant et il est déjà temps de chanter la suivante. Y’en a toujours un pour dire Ah non pas aquera tu la connais toi attends c’est page 62 sur le livret ouh mais tu l’as prise haut là, mais finalement, tout le monde finit par s’y retrouver. On arrêtera quand on aura faim ou quand il sera l’heure de danser.