Supplique pour que les hommages nationaux ne soient pas des outrages nationaux
Semaine chargée pour les rédacteurs de nécrologies, chargés de communication des hautes instances, journalistes à sensations. En voyant le traitement médiatique autour de la mort, récurrent, tout comme l’idée de mourir soit dit en passant, de tel ou tel individu qui « a tellement apporté de son vivant », « fait entièrement partie de ce qu’être « français » veut dire » et autre, je me demande où est la limite entre information et sensationnalisme. Exposer des faits, glisser un bon mot parce que-bon-tout-de-même, et exploiter le filon de la douleur, ou du fanatisme et le pousser jusqu’à se retrouver en absurdie.
Je me demande vraiment où est la frontière entre hommage et outrage. Personnellement, je considère que le deuil, la perte d’un être que l’on chérit est une épreuve qui relève de l’intimité. Nous avons tous des manières diverses et variées de faire notre deuil, à mon sens une façon n’est pas moins bonne qu’une autre. Mais les deuils nationaux, c’est un peu la cata. Sans m’avancer des masses, je pense qu’on se doute tous des états d’âme des familles endeuillées. Avons-nous sincèrement besoin d’un spectacle, de la mise en scène de douleurs intimes ? Devons-nous voir des familles en train de pleurer en direct sur les chaînes nationales qui d’ailleurs bouleversent leurs programmes, pour nous aussi, si on se sent concerné, faire notre deuil derrière des écrans ? Avons-nous besoin de mobiliser je ne sais combien d’envoyés spéciaux, qui diront tous les mêmes choses ?
Qu’on aie besoin de matérialiser, c’est une chose. La mort est une banalité qui arrivera même aux moins bons d’entre nous. Le deuil et ce dont chacun a besoin dans ces moments par contre n’a rien de banal.
On peut avoir du respect pour la vie privée des gens, qui déjà ont dû partager telle ou telle célébrité avec « les Français » tout au long du long fleuve non tranquille qu’est la vie. Je trouve incroyable qu’on puisse avoir l’idée d’exposer de tels moments privés « pour le bien commun » ou je ne sais quelle autre bonne raison.
Et puis, si on a besoin de se sentir liés entre Hommes par les mauvaises nouvelles, parce que c’est connu, le malheur, ça rapproche, le bonheur, on le jalouse chacun dans notre coin, pendant ce temps, la Terre tourne, le monde s’agite, Trump fait de la merde et non ce n’est pas une fake news, les ours polaires dépérissent, et on pourrait aussi focaliser notre attention sur d’autres choses aussi tristes, si ce n’est pas plus, qui nous lient les uns aux autres.