Étoile filante
Nous n’avons pas le temps. Nous n’avons pas le temps et nous courons à perdre haleine derrière des minutes, des heures, des obligations. Nous ne trouvons pas le temps. Nous ne voyons rien nous ne sentons rien, accaparés que nous sommes à retrouver notre souffle avant de reprendre la course.
Je songe à ça tous les matins quand je suis frustrée de voir les silhouettes des pins tracer comme des notes de musiques sur les lignes à haute tension, que la lumière est sublime, que c’était le bon moment pour la photo, pour moi, pour me faire plaisir. Et aussi les soirs, quand le soleil me fait plisser les yeux, que le rose tutoie le bleu et que tout devient sombre d’un coup et que je suis trop fatiguée pour songer à m’arrêter.
Je pense que je longe la voie romaine : combien de fois le pas lent des attelages de marchandises a traversé ces campagnes ? Je pense qu’on n’a de cesse de courir après tellement de choses, virtuelles ou non, des broutilles, des petits riens qui ruinent nos vies parce qu’on est toujours dans l’urgence.
Je pense à tout ça quand les chiens me lancent des regards de regret, quand on est obliger de s’arracher aux brumes des matins d’hiver parce que l’alarme sonne et qu’il est déjà l’heure. À peine le temps d’en voler pour soi.
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Par la fenêtre, un avion suit la trace d’une étoile filante ou lui trace la trajectoire, je ne sais pas. Les dernières lumières du jour caressent les sommets inquiétants, il n’est même pas 17h.
Je pense à ces phénomènes de réseaux sociaux, d’apparence, de se soucier en permanence du regard des autres sur ce qu’on choisit de montrer. D’être obligés de faire ses preuves, de ne pas décevoir autrui, c’est qui autrui ? Il est si difficile de ne pas se décevoir soi-même, d’apprendre à se juger à sa juste valeur.
Je trouve rassurant que les influencers décident d’arrêter, osent dire qu’ils se sont perdus en chemin : qui influence qui, au final ? Qu’est-ce qu’il reste de soi, quand c’est le regard des autres qui nous habille ? Il y a t-il un juste milieu entre ce qu’on veut être et ce qu’on est supposé être ?
Les étoiles filantes sont si belles à regarder, mais après tout, ce n’est qu’une poussière qui flambe dans le ciel, et qui finit par mourir quelque part dans l’immensité.
infos : Sony A7ii + FE24-240, 80mm, ISO 100, f/5,6, 1/800s