Lumière noire
Ce moment était très particulier.
J’avais envie d’aller marcher dans la forêt, encore tôt le matin, histoire de me vider la tête des songes de la nuit, ceux qui ne laissent pas de place au sommeil. Le jour était levé, depuis quelques minutes seulement. La solitude des matins frais a quelque chose de bénéfique pour moi.
Parfois, j’en ai marre de faire toujours les mêmes balades, parfois, j’aime particulièrement revenir aux mêmes points de vue, refaire encore et toujours la même photo, et rendre les similitudes uniques.
Ce matin, plutôt marre. Je me rappelle même avoir râlé, même pas un brin de lumière pour ma faciliter la tâche, pour attirer mon regard. Parfois, pas d’inspiration, et ça se sent.
Je suis entrée dans la forêt, très peu de lumière filtrait. Par réflexe, j’ai voulu augmenter les ISO, surexposer… Et puis je me suis ravisée : le manque de lumière, ou plutôt, dans cette lumière noire, les textures ressortaient de manière unique. Rien à voir avec l’éclairage, c’était plutôt comme si on avait pu deviner la douceur ou la rugosité sans les voir, rien qu’en les touchant.
L’appareil photo s’est paradoxalement transformé en machine à empreinte. Tout y est passé : fleurs séchées, que leur toucher unique rendait presque belles, feuilles racornies, qui par ailleurs font presque pitié avec leurs couleurs sans éclat, branches, troncs, terre. Sans lumière, l’expérience est devenue tactile.
Au moment de développer, j’ai hésité. Et puis non, cette lumière noire est ce qui m’a inspirée.
J’ai beaucoup aimé, c’était nouveau, la nouveauté, ça fait respirer.
Série entière en ce moment dans l’onglet Haikus.
infos : Sony A7s + FE 35, 35mm, f/2,8, ISO 1600, 1/250s.