La photo de la semaine : cette semaine, reportage en immersion à la ferme Chez Justau, pour la tonte annuelle des brebis.
Rendez-vous n°4 | Reportage « Tonte »
Avec le printemps et les températures à la hausse (malgré quelques yoyos- tant que les Saints de Glace ne sont pas passés, n’est-ce pas…) arrive la tonte. Les brebis sont rassemblées pour être débarrassées de leur laine d’hiver, puis marquées, puis montent en estive si le paysage s’y prête et si les conditions sont bonnes.
Avec le recul de l’élevage, les tontes, comme les transhumances, sont presque devenues des moments de folklore : beaucoup de petites villes en font des moments-clés de curiosité lors des fêtes annuelles.
Souvent, un tondeur hors pair avec un ratio ridiculement bas de brebis par minute (moins d’une !) se donne en spectacle, ça ravit les gens. C’est sûr que pour arriver à une telle maîtrise, il faut de la pratique, et connaître par coeur les gestes, l’enchaînement de postures à adopter soi, et à faire prendre à la bête.
Tondre ne s’improvise pas. À la ferme-auberge Chez Justau, à Luchon, c’est Matiu qui s’y colle. Pendant 6 heures, et avec une régularité et une patience qui force l’admiration, la bonne trentaine de brebis passe à la tondeuse. Tout est mesuré, et peu importe la fatigue et les douleurs, il faut continuer. Vérifier que la lame est bien huilée, ne pas raser trop près, ne pas pincer la peau, tenir fermement mais avec calme les brebis, parfois affolées de ne pas trouver de quiétude. Toute la famille se réunit, tout le monde sait ce qu’il a à faire.
Une fois la brebis tondue, il faut la marquer à la peinture avec le symbole de la maison -fini la pèga ; et une fois le troupeau rasé de près comme il se doit, essayer de faire partir cette graisse des doigts.
Pour ces 6 longues heures et la trentaine de brebis, la coopérative achètera une vingtaine d’euros la laine.
20€. Le prix d’un vêtement, d’un bon resto.
Je trouve ce tarif aberrant, affreusement bas, mais c’est comme ça. Heureusement qu’après la tonte, un excellent gros repas de la maison récompense dignement le travail de la journée. Puis, ça fait du bien d’être dans une ferme à taille humaine où chaque brebis est connue, bien traitée et où les gigots sont du coup délicieux.
Matiu fait partie de cette jeune génération qui a grandi dans la ferme, qui sans doute aimerait que ça continue, mais comment pourrait-il décemment ? Aujourd’hui, beaucoup de jeunes ayant grandi dans ce milieu voudraient reprendre, mais ont déjà un autre travail, et consacrent leurs week ends à l’exploitation familiale, peut-être pour qu’on n’oublie pas l’humilité, le bon sens inné des paysans des fermes à taille humaine, le respect des animaux, le savoir-faire, le savoir tout court?
En période présidentielle, je me demande quelles sont les vraies propositions pour améliorer les conditions de vie des éleveurs.
Qui demain voudra encore être éleveur (accessoirement la base de notre alimentation)? Et surtout, qui aura les moyens de faire ce rude métier dignement, en respectant les animaux (tant au niveau alimentaire que soins) ? Parce que, quand on y met le nez dedans, au-delà des nullités administratives, des obligations de suivre des directives de plus en plus étranges, des prises de décisions complètement en-dehors de la réalité de la vie, il y a de quoi être vraiment dubitatif.
⊕ infos : Sony A5000 + E 16-50mm, 44mm, ƒ/13, ISO 800, 1/1000, -1.3 ev