je sors d’une sieste délicieuse
j’ai somnolé bercée par les mots de Bobin
avant ça aujourd’hui
je n’ai pas hésité pour changer
à choisir ce petit livre à la couverture un peu rugueuse vraiment juste à peine un peu
beaucoup de grain de caractère et très douce
je l’ai encore regardée avec les doigts et j’ai vu qu’elle disait aussi
Entre 4 yeux La Muraille de Chine Lettres vives
qui encadrent un hibou deux bougies et deux plumes ou alors deux candélabres je ne suis pas sûre
L’eau bout pour la tisane et pendant ce temps
je dois couper les pages pour pouvoir
lire
c’est vraiment dur pour moi de glisser la lame
du couteau bien affûté j’ai pris celui que je préfère tant qu’à faire
entre les pages du livre entre les fibres du papier
et couper
trancher vivement et proprement les pages
les regarder se séparer les unes des autres
encore et encore
je ne sais pas comment mais il y a toujours une communion
avec les livres
je les rencontre toujours au bon moment
je les aime vraiment
surtout quand l’objet est aussi délicat que les mots qui y dorment
en attendant mes yeux
jusque là c’était si dur
de faire ce geste pour couper
je crois que j’aimais l’objet inaccessible
parce qu’il me plaisait
mais aujourd’hui était le bon jour sans doute
ni trop beau ni trop chaud
juste un peu d’air pour respirer et beaucoup de douceur
de la gravité pour les futilités
de la légèreté pour ce qui compte
alors j’ai coupé
chaque page avec soin
sur les bords longs et en haut quand il fallait
et en coupant j’ai compris
comment le livre était né
ça m’a fait sourire un peu
puis un peu plus
puis encore plus
quelle chance j’avais
de voir ce bel objet
de comprendre sa genèse
à travers mes gestes
c’est comme s’approprier totalement
la forme la texture cette si belle enveloppe
pour aller au fond
jusqu’aux mots
jusqu’aux mots
j’ai souri
Je devais avoir l’air vraiment idiote
en cueillant comme ça des mots au passage de la lame
quelle joie de les libérer
de les laisser éclore les lire
ça m’a pris au moins je dirais
le temps d’une cérémonie du thé d’Orient
de caresser les bouts de pages déchirés
l’eau ne bouillait plus d’ailleurs
la brise a bercé le hamac
ou alors c’était moi en m’y installant ou les deux
j’étais comme une enfant à nouveau
pressée de lire
ce tout petit livre
alors j’ai lu dans cette quiétude
en touchant chaque mot des mains et chaque page des yeux
et j’ai somnolé bercée dans le hamac
la lumière sur mon visage par petits à-coups
très doux
et à mon retour de somnolence
j’ai pêché ce mot Proésie
ça n’existe pas et c’est très réel
il y a un oiseau dans les nuages du ciel et je souris
peut-être que c’est toi ?
Proésie sera toujours cet Amour
que je ressentais depuis toujours
je songe à tout ce qui est possible
je songe à tout ce qui est palpable
songer c’est beau c’est un mot qui fond tranquillement quand on le prononce
essayez voir
et je rayonne toute seule dans mon hamac
parce que ce royaume-là est infini
de larmes et de charmes
de douleurs et de douceurs
à explorer
à apprivoiser
en chacun de nous