Ce matin un bout de ciel m’attire. Je suis sortie tôt j’ai Archéologie du conte aujourd’hui.
Je suis presque rentrée et mes doigts de pieds congelés me font vraiment mal, je le sais que c’est leur manière de me remercier quand le sang finit par y revenir ; ça fait des fourmillements qui m’ébouillantent par petites touches je sais plus trop qui est glacé et qui est brûlant — C’est ça la vie je me dis, des fois on sent plus rien, on a perdu la perception des choses, ce n’est pas qu’elles n’y sont plus en soi, je sais bien que j’ai toujours mes pieds, mais bon il gèle quoi alors ça tombe dans une sorte de sommeil, comme pour se préserver j’imagine, les pieds, les choses, la vie, tout ça ; du coup on ne les sent plus, elles ont décidé de muter en fausse absence en silence des sens ; parce qu’elles vivent pardi, et qu’elles sont là, elles sont là, évanouies-dans les pommes. Mais bon, clairement, on va quand même devoir tâtonner pour les retrouver et puis en vrai on décide pas vraiment. On essaye d’aller chercher et d’apporter comme on peut ce qu’on croit qu’il serait bien pour qu’elles reviennent de leur sommeil. La bouillotte me disent mes glaçons-orteils. Eux aussi, tout dans la demi-mesure. Les retrouvailles c’est intense ; une sorte de brûlure du froid, une morsure qui, au lieu d’enlever de la matière ou de la trouer, la ramène toute entière flambant neuve, je pèse mes mots.
Dans le désordre j’ai pensé en voyant ces bouts de coton Tant pis désolée les pieds encore 10 minutes c’est quand même incroyable ces motifs C’est vrai que le caoutchouc ça n’isole rien du tout mais j’ai feu mes orteils au sec, au moins On dirait le vent de terre quand il y en a qui soulève le bord des vagues avant qu’elles ne retombent et qui ourle leurs crêtes d’étincelles de sel en suspension une seconde Pourquoi j’ai pas mis des chaussettes plus chaudes Oh ce sont des montagnes vues du ciel des pics acérés de rien du tout quand on les voit d’en haut Je me demande de quelle partie du ciel je contemple le monde Han en fait c’est un phoenix, incroyable Ou un dragon ? Il est magnifique Celui qui a sculpté ça est doué, les détails sont incroyables.
J’ai glissé mes pieds gelés-brûlés sur la bouillotte, c’est bon de se sentir vivre même si ça brûle souvent ; fait des haïkus et écouté un brillant inconnu raconter l’un de mes souvenirs d’enfance de petit rat de bibliothèque solitaire, la très belle légende de la Femme-Oiseau.
PS : Je vous ai mis en titre les mots que je viens d’entendre. J’ai trouvé que c’était très à propos.