Bon, j’ai devant moi une page blanche,
J’écris quoi ?
Bonne question je lui réponds, à la dame qui veut m’orienter dans ma recherche professionnelle.
Comment expliquer que pendant tout ce temps
Je t’ai tant aimé je t’ai tant perdu
J’ai perdu la vie en moi et le goût de la douceur d’exister
J’ai cherché si loin d’autres montagnes à aimer
D’autres sourires à rencontrer
Je t’ai si longtemps cherché puis j’ai compris alors
le vide l’errance
Je t’ai gardé en moi contre vents
Aux grandes marées
Au beau temps et
à toutes ces pluies
J’ai beaucoup espéré
J’ai beaucoup perdu espoir
J’ai beaucoup déménagé
Tu étais là sans être là
Il ne restait plus que ton fantôme
Et les miens
Ma vie une ruine sur laquelle je dois rebâtir
Peut-être une cabane, ça me plairait beaucoup
Dans un bel endroit j’aimerais.
Avec des arbres fruitiers.
J’ai trouvé des amis et j’en ai perdu aussi.
J’ai rassemblé une famille de boules de poils, de ronronnements d’aboiements
de jeux de bâton de balades sans prétention et de siestes quotidiennes.
J’ai écrit une thèse et ça m’a coûté, mais j’en suis fière.
Je n’ai pas toujours compris ce qui m’arrivait.
J’ai goûté au vent sur les joues
au mistral à cheval
à l’odeur du mélange de ma mobylette
au petit claquement de mes cales dans mes pédales de vélo
à mes toutes petites expéditions.
Alors le boulot vous savez,
j’ai besoin de vibrer
j’ai besoin de me respecter
j’ai besoin de temps
de chercher de tâtonner de trouver.
j’ai besoin de sens et d’aller vers l’avant
j’ai besoin de me faire confiance
d’être libre
d’oser
de rencontrer du monde qui voit plus loin que moi
de retrouver du monde qui voit les possibles en moi
de challenge et de douceur,
de rêver sans m’échouer.
De retrouver la sensation de me fondre
de disparaître en beauté
d’éclore un matin au réveil sans crier gare
Alors là je vous dirais
Voilà ce qu’est ma page blanche, on peut écrire, c’est
Une liberté incroyable, une friche, beaucoup de doutes et de peurs,
beaucoup de rêves encore,
des croquis
des mots jetés aux quatre vents
des larmes aussi
de la rage de l’impuissance
des certitudes inébranlables
la vie qui passe
le temps qui court mais que je trouve parfois long.
Le temps de se retrouver le temps de continuer à s’inventer
Poète du temps long, voyageuse des vallées voisines, photographe au libre court, diseuse de belles aventures, il n’y a pas de formation pour ça, non ?