Ce n’est pas vraiment un sourire moqueur, enfin ça dépend, avec Christian on se dit que les Milans ils rigolent bien de nous, à nous siffler comme ça, nous on accourt comme on peut, humains empêtrés dans nos intentions certes louables toujours un peu aveuglés par la lumière dans le ciel on est là armés de nos appareils et on essaye de capter l’intensité de leur regard, on le sait qu’ils nous regardent intensément parce qu’on le sent, impossible de ne pas se sentir passé.e aux rayons x quand un oiseau vous fixe, même un quart de seconde. Et nous on rigole de nous. C’est pas mal.
Les buses c’est bien plus doux. Christian dit C’est quand même moins gracieux que le vol des milans ! Oui mais les milans ces coquins ils viennent vous frôler ils vous offrent un spectacle incroyable tant que vous ne les fixez pas avec l’objectif. Après je sais pas, sans doute leur pudeur les empêche de réitérer. De vrais princes. Ou alors ils disent C’est un spectacle qui se regarde mais qui ne se possède pas en photo. Ou alors c’est un jeu de dextérité. Ou les deux. Allez savoir.
Peut-être les buses sont-elles plus douces parce qu’elles savent bien qu’on les trouve insignifiantes, moins tape-à-l’oeil, bien moins bling-bling, impertinentes, exubérantes, qu’on préfère dire juste Ah tiens une buse, et que dans ces cas-là, tant pis, il ne reste que la douceur patiente pour exister ? Plus j’y pense plus je me dis La douceur, ça change le monde. Dommage qu’on ne la célèbre pas assez. Qu’on ne la comprend pas. Qu’on ne veuille même pas l’entendre. Ah c’est sûr, pour ça il faut du calme. Et du calme ça ne s’achète pas.
En attendant là clairement c’était une buse qui voulait se faire tirer le portrait, elle avait vraiment envie je crois, j’ai un peu hésité parce qu’un milan avait décollé plus bas ; elle volait avec une patience impériale juste au-dessus de Gous qui surveille les horizons herbeux et moi qui fixe un peu dans le vide sans voir quoique ce soit réellement le ciel la limite entre les crêtes et la couleur du ciel à ce moment Il va faire orage là Ouh ouh Quand est-ce que tu sors de tes songes ma petite Je suis là au-dessus de toi et je voudrais bien une photo Regarde comme je suis patiente à tourner retourner re-retourner pour que tu aies le temps de me voir faire, de préparer ton cadre et de me suivre au vol depuis ton sol. Voilà ton portrait madame / monsieur Buse. Merci pour la leçon. Je t’offre aussi un haïku. Quand je serai grande je t’offrirai des décors à la Vincent Munier, mais en attendant j’ai du chemin à faire des rêves à explorer des choses à écrire et ce gris bleuté du ciel te sied comme il faut, je trouve.
C’est chouette de réapprendre la photo avec les oiseaux. Je vous raconterai les portraits Corbeau aussi, c’est vraiment sympa.