Assise devant la cabane qui sera mon refuge pour la nuit, je songe avec amusement que, s’il prenait l’envie aux cerfs et biches que j’attends de venir me payer une visite, ils trouveraient sans doute la couleur de ma doudoune trop criarde. Peut-être même qu’ils feraient demi-tour sans que je les aperçoive, en se disant Tiens étrange cette bipède c’est tout sauf discret cette couleur, fuyons dans le doute.
Mais une biche et son faon, puis une autre assortie elle aussi de son faon sortent des bois et me détaillent longuement, toutes oreilles dehors, regard insistant que je soutiens en souriant, pour moi-même pour le tendre spectacle qu’elles m’offrent ou pour elles seules et leur curiosité, je ne sais pas trop et ça n’a pas trop d’importance. Elles hésitent un peu, se plantent là, à une vingtaine de mètres. L’eau dans ma gamelle fait ce petit bruit de quand elle bout alors j’éteins mon réchaud et je mets des sachets de tisane à infuser en priant pour que le temps que je prépare mon breuvage, elles ne se soient pas évaporées.
Gous est très sagement contemplatif, assis à côté mais pas trop près, alors elles me lorgnent comme ça un moment, soient elles ne voient pas le jaune soleil de ma doudoune je me dis, soit elles s’en foutent, ou alors elles trouvent ça exotique. Il fait silence et un peu nuageux, c’est très beau. Puis elles se décident à brouter du bout du museau, attentives à mes gestes ; Il faudrait pas quand même se priver de l’herbe qu’il reste et de ce goût incomparable qu’elle a en fin de journée, une fois le soleil juste passé derrière les crêtes.
Je porte la tisane à mes lèvres et je les regarde brouter, les faons collés à leurs pattes ; puis, lorsque l’obscurité est installée, elles passent devant moi, de vraies reines, s’enfoncent sans me regarder dans la forêt en dansant presque, en balançant d’un côté de l’autre d’avant en arrière leurs corps, c’est comme si elles survolaient le sol en s’éloignant très tranquillement. Je finis ma tisane et en regardant les volutes de vapeur danser dans la nuit tombante je me dis, Il faudra que tu écrives quelque chose sur l’élégante nonchalance du pas des biches.