Il fait après-midi dans l’appart
Et je découvre ce que la lumière d’hiver fait comme sculptures d’ombres entre la machine à laver et le lave-vaisselle.
Pendant ces moments où j’apprends nécessairement à être enfermée en plein jour ensoleillé, et où j’apprends à chercher un peu de poésie depuis ma tanière, tu te places assis sagement dans le soleil et tes yeux sont éclairés. Je ne trouve rien à dire, mon petit chien, tes yeux sont sublimes d’amande, miel, quelque chose du chocolat au milieu que je ne distingue pas vraiment.
Je regarde ces saveurs qui ont la forme de couleurs et je pense à ce que tu es, à ce que nécessairement je suis, puisque tu es mon image fidèle, puisque tu m’accompagnes maintenant. Je te croyais semblable à Gous, plus posé, qui sait ce qu’on attend de lui, mais tu es si différent, bien plus sauvage, bien plus sensible, bien plus délicat à saisir, bien plus explosif – je pense à ce que je crois être un peu de moi en écrivant ces mots.
Il y a quelque chose de justement blessant à être accompagnée d’animaux. Leurs choix ne semblent appartenir qu’à eux, mus par des instincts purs dans leurs intentions. Mais ceci n’est rien qu’une vérité qui n’a que des frontières floues ; et leurs attitudes sont un peu de ce que nous sommes, mais cela est peut-être aussi flou que ce que j’énonce plus haut. Ce n’est pas tous les jours facile de se mouvoir dans ces moi-miroirs poilus têtus et tellement moins menteurs, tellement moins enjoliveurs.
S’adopter n’est pas s’apprivoiser, c’est ta leçon la plus belle et la plus dure, Aïnou mon petit chien. Avec ton nom d’ours tu dors ton nez caché sous tes pattes, parfois quand je te regardes tu me lances ce regard chargé de sens que je perçois mais que je ne mesure pas. Je ne te connais pas mais je t’apprends je crois ; comment on sait quand on se connaît ?
Gous se couche contre tout moi quand j’écris ces mots et veille sur nous avec toute la fidélité et la loyauté dont il est capable, je crois qu’on approche très près de l’amour.